«Il existe un racisme antivieux très fort»

Par Muriel GREMILLET
Lundi 29 novembre 2004 - Liberation -

C 'est l'un des grands chantiers sociaux à venir : l'emploi des «seniors» ­ qui n'ont parfois pas plus de 45 ans ­ devrait mobiliser les partenaires sociaux d'ici à janvier. Il s'agit de la conséquence de la réforme des retraites et d'une particularité française : le taux d'emploi des plus de 55 ans plafonne à 32 % contre plus de 50 % ailleurs en Europe. La mobilisation commence à prendre. Notamment avec de nombreux colloques sur le sujet. Dont celui organisé demain à Paris par l'International Longevity Center (ILC), un lobby présidé par la professeure Françoise Forette, l'une des pionnières de la gériatrie en France.

On parle très peu des «vieux» au travail en France, pourquoi ?
Les choses commencent à bouger, mais c'est vrai qu'il y a ici un racisme antivieux bien plus fort que dans les pays anglo-saxons. Tout fonctionne sur l'image, et du coup, on discrimine les vieux à cause de leur âge. Par ailleurs, peu de gens acceptent de se présenter comme vieux ou retraité : on dit, je suis ancien de ci ou ça. Jamais, je suis retraité.

Comment faire évoluer ce regard sur les «vieux», notamment au travail ?
L'ILC fait du lobbying auprès des autorités européennes, mais aussi des chefs d'entreprise pour expliquer qu'un retournement démographique est inimaginable. L'allongement de l'espérance de vie est un fait : les plus de 60 ans représenteront bientôt plus de 20 % de la population. Les entreprises vont devoir garder leurs travailleurs âgés si elles ne veulent pas perdre leurs réservoirs de compétences. Soit, faire tout le contraire de ce qu'elles ont toujours fait jusqu'ici, en utilisant massivement les préretraites.

Vous lancez un appel pour l'emploi des seniors?
Il est temps de promouvoir les bonnes pratiques des entreprises qui agissent. Certains pays, comme la Suède, se sont mobilisés en adaptant les postes de travail ou en ouvrant la possibilité de cumuler emploi et retraite. On doit réfléchir à tout cela et, surtout, on doit décloisonner notre société dans laquelle les vieux restent avec les vieux. Loin des jeunes qui restent entre eux.